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L’oral, c’est chouette !

Dernière semaine, juste avant les examens du DELF I ; derniers conseils, dernières mises en garde, tout en rassurant les apprenants au sujet de leurs épreuves orales, qui semblent toujours représenter la partie la plus stressante de l’ensemble des examens. Même les plus « cool » vous regardent les yeux grands ouverts lorsque vous décrivez la procédure de l’oral et pendant que vous répondez à des questions diverses, genre : « Les examinateurs sont-ils gentils, madame ? », « Ils nous aident ou pas ? », « Ils parlent vite ? », « Ils parlent grec aussi ? », etc.

Mais alors, me suis-je dit, rien ne sert de décrire, pourquoi pas faire ? J’ai donc eu l’idée de transformer mon « frontistirion » en centre d’examens pendant deux jours et jouer le rôle de l’examinatrice, assise dans mon bureau, munie de sujets divers découpés en bandes de papier et de documents écrits de toutes sortes que j’ai numérotés, en attendant les « candidats » qui arrivaient l’un après l’autre selon un horaire fixé à l’avance. Et c’est ainsi que les épreuves orales « mises en scène » ont commencé ! Je vous assure, c’était une expérience à la fois divertissante et enrichissante tant pour les apprenants que pour moi.

PREMIER JOUR

Tout d’abord, la porte de mon bureau devait être fermée. J’étais curieuse de voir ce qu’ils feraient et diraient en essayant d’entrer. Alors là, grande surprise ! La plupart d’entre eux ne savaient même pas qu’ils devaient frapper à la porte. Le premier qui est entré sans frapper a dû ressortir aussitôt !! Qu’est-ce que j’ai rigolé ! Puis, il a frappé, j’ai dit : « Oui ! », il a ouvert la porte, il a tenté de s’approcher pour s’asseoir et je l’ai de nouveau arrêté en disant : « Qu’est-ce que tu dois demander avant d’entrer ? ». Il m’a regardé bouche bée. J’ai répété ma question autrement : « Qu’est-ce qu’il faut dire après avoir frappé à la porte d’un bureau ? ». De nouveau rien. À la troisième reformulation de la même question il a balbutié : « Je peux ... ? ». « Tu peux .... quoi ? » ai-je répondu. En hésitant il me dit : « Je peux ... euh... sortir (!) ? » ................. « Mais bien sûr, sors ! » que je lui dis, en faisant un signe de « bon débarras » avec la main ! .... « Non, non, madame .... je peux ...euh ... aller ? ». « Aller où ? » dis-je... etc. ... etc. ... (hi, hi !)

Première constatation : il y a apparemment des enfants qui ne sont pas au courant de certains actes sociaux qui consistent à faire (frapper à la porte) et à dire (demander l’autorisation d’entrer) ce qu’il faut dans des contextes bien déterminés. Et il est certain que s’ils n’apprennent pas ce genre de règles essentielles de politesse, ils risquent de faire mauvaise impression ou du moins ils ne feront pas bonne impression.

Deuxième constatation : je me suis rendu compte que les apprenants sont peut-être capables de vous raconter l’histoire d’un texte très difficile, mais qu’il arrive qu’ils soient incapables de formuler des phrases simples de tous les jours et qui n’exigent pas la connaissance d’un vocabulaire extrêmement riche ! C’est certain que l’élève en question connaissait très bien le verbe « entrer », il sait même l’utiliser correctement au passé composé pour écrire des récits et des lettres amicales, mais à ma grande surprise il n’a pas réussi à l’utiliser dans la pratique orale lorsqu’il en a eu besoin !

J’ai bien sûr fait cette même expérience « de la porte » avec tous les « candidats » et la plupart d’entre eux ont réagi plus ou moins de la même manière. Il y en a qui ont demandé : « Je peux venir ? », j’ai accepté tout en proposant qu’il valait mieux dire « Je peux entrer ? », en expliquant rapidement la petite différence de sens pratique. Entre-temps, je me suis vraiment bien amusée en entendant certains raconter - derrière la porte - aux autres qui arrivaient que « madame ne te laissera pas entrer si tu ne frappes pas à la porte et si tu ne demandes pas l’autorisation ! ».

Ensuite, j’ai commencé par poser des questions du style : « Tu t’appelles comment ? », auxquelles certains, trop stressés pour faire attention à ce que je disais, me répondaient : « Mon sujet est ... » ou bien « Oui » (!!). « Tu t’appelles oui ? » c’était ma réponse...
Question : « T’as quel âge ? » - Réponse : « J’ai six ans ». Mais non, n’allez pas imaginer que j’ai une élève de six ans. La pauvre enfant a bien sûr seize ans, elle a tout simplement fait une erreur de prononciation !

Troisième constatation : Mon Dieu, quel stress !! C’est amusant, car les élèves ont vraiment pris ce jeu au sérieux et ils se comportaient comme si j’étais une étrangère qui allait les exécuter ! Leurs performances en ont été influencées et les plus angoissés faisaient beaucoup plus d’erreurs que d’habitude. Même les meilleurs ont avoué ne pas se rappeler les fautes commises que je notais de temps en temps et parfois ils ne me croyaient même pas lorsque je les leur répétais à la fin de l’épreuve. Il faudrait donc que nos chers examinateurs tiennent compte du facteur « stress » qui fait que bien des candidats perdent leurs moyens au point – parfois – de ne pas « entendre » des questions autrement tout à fait banales et compréhensibles.

Du reste, je dois dire que la journée était vraiment intéressante, bien que fatigante. Certaines erreurs de prononciation ou confusions de mots nous ont donné l’occasion de rire et de nous relaxer. C’est l’exemple de l’élève qui, en me décrivant sa chambre m’a dit : « Il y a des poubelles sur le mur » ( !) « Quoi ? ! Des poubelles ? » « Oui, des poubelles » « T’es sûre ? Des poubelles ? Des ordures ? » .....(silence) . « Σκουπίδια ; ».... « Ah non ! Excusez-moi, je veux dire des poupées ! » .. .. hi hi ! Et la réaction juste après : « Mon Dieu, madame, si je dis ça aux examinateurs, ils vont croire je suis très sale ! » .....

DEUXIÈME JOUR

Les mêmes élèves sont revenus le jour suivant pour jouer au même jeu. La procédure restait la même, ils recevaient un sujet parmi d’autres en tirant une « bande » de papier au sort (oral A1 et A2) ou en choisissant un numéro qui correspondait à un texte (oral A3).
Quatrième constatation : Plus personne n’a oublié de frapper et de demander s’il/elle pouvait entrer et plus personne n’a répondu à côté lorsque je posais des questions inattendues mais simples et quotidiennes. Ceux qui tremblaient littéralement le premier jour, s’étaient calmés, ils étaient plus familiarisés avec tout ce « renouveau » et beaucoup plus concentrés à la formulation de leurs phrases. Le petit « théâtre » leur avait donc fait du bien, leur avait donné le temps de réfléchir - chez eux – sur les choses qu’ils pouvaient faire pour améliorer leur présentation des sujets et les résultats étaient bien visibles. D’habitude, ces réflexions et/ou regrets pour ce qu’on n’a pas dit ou pour ce qu’on a mal exprimé arrivent souvent trop tard, c’est-à-dire après les vrais examens.
J’ai même été impressionnée par le tout premier candidat que j’avais fait « souffrir » la veille avec la demande d’autorisation d’entrer. Ce garçon-là, malgré ses faiblesses morphosyntaxiques et son manque de vocabulaire très riche, a réussi à me surprendre avec son humour inattendu à tel point que j’ai failli tomber de ma chaise. Il était censé me développer le sujet : « Il faut être à la mode pour plaire aux autres » et après avoir dit que la mode était importante pour faire bonne impression, il m’a dit que lui, personnellement, il préférait les vêtements féminins ! Voici le dialogue :


Question : « Pardon ? Tu préfères les vêtements féminins ? »
Réponse : « Oui »
Q : « Tu veux dire chez les filles ? Tu aimes les vêtements que les filles portent ? »
R : « Non, sur moi. J’aime porter des vêtements féminins »
Q : « !!!! T’es sûr ? Tu sais ce que c’est le mot féminin ? »
R : « Oui, oui. J’aime les vêtements féminins et je mets des minijupes pour plaire ! »
Q : « !!! .... M’enfin, maintenant tu ne portes pas de minijupe. Tu portes des vêtements de garçon ! »
R : « Oui, maintenant je porte des vêtements de garçon, mais le soir, quand je sors, je mets des vêtements de fille »
Q : « C’est pas possible !!! Tu blagues ? »
R : « Mais non, pourquoi ? Vous avez des tabous, madame ? »

Alors là, j’ai éclaté de rire, je n’arrivais plus à me retenir. J’avais là devant moi, un garçon qui se foutait de moi sans même sourire, qui avait préparé le sujet de manière complètement inattendue et originale, alors que le jour précédent il arrivait à peine à terminer ses phrases qui ressemblaient plutôt à des bredouillements. Il avait prévu ma surprise, il s’était préparé à ne pas laisser s’échapper le moindre sourire de sa part et à me demander à la fin si j’avais des tabous ! Alors, je suis bien sûr entrée dans son jeu et on a bien rigolé ... Il m’a même dit qu’il attendait d’avoir 18 ans pour aller travailler sur l’avenue Sygrou comme travesti ! ...

Quatrième constatation : Les enfants sont vraiment une source inépuisable d’imagination et de « fraîcheur » et ils n’ont pas besoin de trop de compétences linguistiques pour nous surprendre avec leur originalité. Je me demande, s’il ne faudrait pas rendre les examens oraux plus joyeux, plus agréables, plus amusants. Leur donner un peu plus de couleur pour permettre aux enfants de « dessiner » leur partie d’un tableau moins ennuyeux et plus joueur.

Je n’oublierai pas non plus la petite fille qui m’a dit que : « Paris est la ville des fous ! » en essayant de dire « la ville des feux » et lorsque, après avoir posé quelques questions, - toujours en français - elle m’a montré le « feu » de la lampe, j’ai compris qu’il s’agissait du mot « lumière » qu’elle cherchait ! On a bien ri toutes les deux ; elle, elle s’est rappelé qu’on dit « feu » pour le feu rouge dans la rue ou pour le feu comme celui du briquet que je lui ai montré et moi je me suis rendu compte que quand on a vraiment envie de communiquer, on y arrivera quels que soient les obstacles lexicaux ou grammaticaux.
Cinquième constatation : C’est bien cela la grandeur de l’oral ! On a l’occasion de poser des questions, de demander des explications ou des précisions et à la fin on arrive toujours à se comprendre. Par contre, l’écrit ne pardonne pas certaines erreurs, il est beaucoup plus sévère et beaucoup plus exigeant. L’oral est flexible, l’écrit est rigide. À l’oral, on peut montrer des choses, on peut combiner la langue parlée à la langue des gestes. À l’écrit cela n’est pas évident, à moins d’avoir le temps de « dessiner » ce qu’on n’arrive pas à exprimer – et je ne crois pas que cela soit permis ! Enfin, à l’oral on ne risque pas d’oublier certaines erreurs qui font rire, car on les associe au vécu, à une expérience vivante et elles restent longtemps gravées dans notre mémoire. En revanche, il y a très peu d’apprenants qui font attention aux erreurs écrites que le professeur corrige, ce qui fait qu’ils ne tarderont pas à les refaire. Il n’y a donc pas plus « tape à l’oeil » que ce qui tape à l’oreille !

Conclusion : VIVE L’ORAL ! Arrêtons de le négliger chers collègues, ce serait trop d’occasions perdues, trop de possibilités inexplorées !


Portfolio


Ce texte a été publié dans la revue mensuelle Ενημέρωση de la

Πανελλήνια Ομοσπονδία Ιδιοκτητών Κέντρων Γλωσσών - PALSO
Fédération panhellénique des Directions de Centres de Langues - PALSO
Panhellenic Federation of Language School Owners - PALSO

en mars 2002.


Professeure de langue et de culture françaises

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